Dermatoses neutrophiliques


Reproduction de l'interview du Dr Daniel WALLACH, Hôpital Tarnier-Cochin, Paris

publiée sur http://www.dermatonet.com/

1/ Qu'a-t-on appris de nouveau sur les dermatoses neutrophiliques durant les dernières années (en dehors des traitements) ?
Dr Daniel Wallach :
On a d’abord appris que les dermatoses neutrophiliques (DN) existent, et forment un groupe nosologique particulier. L’individualisation de ce groupe a non seulement un intérêt théorique, mais aussi un intérêt pratique pour chaque patient concerné. En effet, s’il existe encore beaucoup d’inconnues sur l’étiologie et la physiopathologie des DN, la conduite à tenir est assez bien codifiée, tant en ce qui concerne le bilan nécessaire que les traitements à mettre en œuvre.
Le terme de dermatose neutrophilique recouvre un certain nombre d’entités rares, qui ont toutes été décrites indépendamment et que beaucoup de points communs permettent de regrouper. Ce sont :
- le syndrome de Sweet, dermatose neutrophilique aiguë fébrile ;
- la pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson ;
- le pyoderma gangrenosum ;
- l’erythema elevatum diutinum ;
- l’hidradénite eccrine neutrophilique, la panniculite neutrophilique, les abcès profonds aseptiques.
- Des tableaux non précisément étiquetés rassemblant des caractères des syndromes ci-dessus, et pour lesquels seul le terme de « dermatose neutrophilique » semble un diagnostic correct. Le fait de pouvoir poser correctement le diagnostic de « dermatose neutrophilique » constitue à lui seul une innovation.
Les dermatoses neutrophiliques ont donc des points communs :
- d’abord, au-delà des différences liées à la localisation de cet infiltrat, un aspect histologique caractérisé par un infiltrat de polynucléaires neutrophiles non altérés, sans vascularite, sans cause infectieuse.
- Ensuite, la possibilité de localisations neutrophiliques aseptiques extra-cutanées : articulaires, pulmonaires, autres plus rarement ; lorsque de telles localisations existent, on parle de « maladie neutrophilique ».
- Enfin, la fréquence des associations avec des maladies multisystémiques ; ce dernier point est certainement le plus important : les DN sont les dermatoses qui ont le lien le plus étroit avec la médecine interne.
Ces associations sont essentiellement :
- des leucémies myéloïdes (surtout dans les syndromes de Sweet), d’autres syndromes myéloprolifératifs, des gammapathies monoclonales ;
- les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ;
- les rhumatismes inflammatoires ;
- plus rarement, d’autres maladies, inflammatoires ou cancéreuses.
En pratique, le diagnostic de dermatose neutrophilique requiert un bilan clinique simple à la recherche d’une part des éventuelles localisations extra-cutanées, d’autre part d’une de ces associations. Les signes cliniques en sont souvent évidents. En l’absence de signe d’appel, un hémogramme, une recherche de gammapathie monoclonale, éventuellement un myélogramme, sont indiqués.
Enfin on remarquera que des entités différentes, comme les psoriasis pustuleux, les vascularites, la pustulose exanthématique, ne font pas partie du groupe des DN, essentiellement parce que leur nosologie est bien différente : étiologie connue, autres associations pathologiques.

2/ Quelles sont les grandes avancées thérapeutiques de ces dernières années et les perspectives d'avenir ?
Dr Daniel Wallach :
Actuellement, les anti-inflammatoires « classiques » constituent le traitement généralement efficace des DN. Le syndrome de Sweet et les autres tableaux de DN aiguë sont habituellement très sensibles à la corticothérapie générale. Des alternatives existent, comme l’indométacine, et comme il s’agit de maladies rares, il n’y a pas eu d’essai clinique contrôlé pour les comparer.
Les pustuloses sous-cornées et les autres DN d’évolution plutôt chronique sont sensibles à des anti-inflammatoires agissant spécifiquement sur les polynucléaires, comme la Disulone, ou la colchicine, ou l’acitrétine.
En cas d’échec, éventualité rare, les immunosuppresseurs peuvent être prescrits. La ciclosporine et le tacrolimus sont particulièrement efficaces dans le pyoderma gangrenosum (ici aussi, il ne s’agit pas d’essais contrôlés). Des traitements immunomodulateurs innovants ont été essayés à titre expérimental, et ne sont pas recommandés en pratique.
Les perspectives d’avenir concernent la physiopathologie des DN, qui est encore mal comprise. Plusieurs pistes existent :
- le rôle des facteurs de croissance granulocytaires (dans certains cas, ils ont pu déclencher des DN),
- le rôle d’autres cytokines, chimiotactiques pour les polynucléaires,
- le lien entre les proliférations leucémiques clonales et les DN.

3/ En conclusion ?
Dr Daniel Wallach :
Tout d’abord, il faut savoir porter le diagnostic d’une des variétés de dermatose neutrophilique, par une analyse clinique et histologique simple mais soigneuse ;
le stade suivant est celui de la recherche de pathologie associée, qui nécessitera bilans et traitements pour son propre compte ;
puis celui du traitement symptomatique de la DN.

Et pour en savoir plus ?
Dr Daniel Wallach :
L’exigeant lecteur de www.dermatonet.com sera probablement désireux, après cette brève mise au point, d’en savoir plus. On peut lui conseiller deux revues qui ont récemment consacré des numéros entiers aux dermatoses neutrophiliques :
- en français, Objectif Peau, en Février 2000 (vol.8, n°57)
- en anglais, Clinics in Dermatology en Mai/Juin 2000 de (vol.18, n°3).

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